FOURRE-TOUT
Nous avons demandé à Christian GODARD, qui voulait absolument avoir une page de site marquée "Fourre-tout", ce qu'il comptait mettre dedans. Il nous a répondu: "N'importe quoi !"
Et, comme nous insistions, il a ajouté:
"Quand j'étais enfant, je vivais avec mes parents, ce qui n'est pas original, mais lourd de conséquences. Or, dans la pièce la plus grande de l'appartement, c'est-à-dire la salle à manger, l'ordre régnait, d'une part parce que ma mère y tenait au moins autant que certains C.R.S. de ma connaissance, et d'autre part parce que les objets inutiles y étaient relativement rares. Mais, avec le sens de l'équilibre qui était le sien, ma mère veillait à ne pas tomber dans l'excès. Aussi acceptait-elle que figure au milieu de la cheminée une sorte de grosse soupière rouge, munie de deux anses et dépourvue de couvercle. C'était à l'intérieur de ce réservoir naturel que tout le superflu devait intégralement disparaître. On y trouvait un foutoir insensé. Qui paraissait en vérité insensé du fait de sa solitude en la matière. J'adorais fouiller dedans quand je me trouvais seul dans l'appartement. Sinon, surpris la main dans la soupière, aussitôt une voix forte me gâchait le plaisir: "Qu'est-ce que tu cherches ?". Je ne cherchais rien en particulier. J'étais comme tout le monde. je rêvais d'être surpris. Or, j'avais beau y farfouiller souvent, le fait est que j'avais à chaque fois l'impression d'y découvrir de la nouveauté. Des vieux crayons mâchouillés, des résidus infâmes de maquillages huileux, des morceaux de ficelles poilues indémêlables, des attaches de porte-jarretelles (ce qui me mettait en transe), des lunettes auxquelles il manquait toujours quelque chose, soit un verre soit une branche, des boutons en verre taillés qui devenaient instantanément des diamants pour le petit garçon que j'étais... Et de multiples autres merveilles.
Ma vie d'auteur et de dessinateur m'a conduit à collectionner un nombre considérable de choses disparates de ce genre, et je souhaite que quelques-uns de mes prochains visiteurs, découvrant quelque bouton de verre taillé, le prennent par inadvertance pour...qui sait !... un diamant ?"
AFFICHE DU FESTIVAL DE CALAIS EN 1997 POUR L'ANNÉE DU 30e ANNIVERSAIRE DE MARTIN MILAN.